Le phénomène And1 Mixtape/Tour (Part 1)

Il y a eu – il y a toujours – les Harlem Globetrotters, ces funambules du basket qui font le tour du monde en montrant des chorégraphies de leurs talents balle en main. Dans les années 2000, ce sont les And 1 Mixtape qui ont pris le relais, des séries de vidéos avec de jeunes inconnus qui inventent à chaque fois, de nouveaux moves, de nouvelles façon de se taunter et de ridiculiser un adversaire. Retour sur l’origine de cette série, aujourd’hui devenue un classique du Streetball avec un World Tour parfaitement encadré chaque année.

Skip to My Lou

Les Mixtape sont nées tout à fait par hasard, d’un accident de fortune si l’on peut dire. En 1998, la marque de sportswear AND1 reçoit une cassette vidéo, de la part de Ron Naclerio, coach du lycée Cardoza de New York. Celui-ci avait passé l’été à coacher des enfants auprès de l’American Athletic Union – une des plus grandes association à but non lucratif consacrée aux jeunes et à la pratique sportive aux États-Unis – et l’un d’eux a fait mouche, c’était un certain Rafer Alston.

Ce jeune garçon au talent prometteur sera bientôt le porte-étendard de la marque AND1 avec laquelle il signera son premier partenariat. Ce sera d’ailleurs la première fois qu’un joueur qui n’a pas de contrat NBA signe un tel deal. Pour en revenir à la cassette envoyée par Naclerio, elle est de mauvaise qualité, la résolution est faible et l’audio n’en parlons pas. Néanmoins, celle-ci montre le jeune Alston sur les playgrounds de New York à faire des moves tous plus invraisemblables les uns que les autres et avec une facilité déconcertante, il a même son propre « signature move », on le surnommera Skip to My Lou!

Le premier volume des And1 Mixtape lui sera d’ailleurs en grande partie consacré:

Au moment où Naclerio donne ces images à AND1, les fondateurs de la marque et un groupe restreint d’employés cogitent sur la stratégie à mettre en place pour réussir à signer des joueurs NBA notamment pour vendre des paires de chaussure. Le jeune Rafer Alston était quant à lui à l’aube d’une carrière universitaire en dents de scie qui lui serait d’aucun avantage pour intégrer la NBA, son ultime but. Une entreprise cherchant l’idée qui la ferait remarquer par rapport à ses gigantesques concurrents (Nike, Adidas), un joueur qui veut atteindre son rêve d’intégrer la grande ligue, leur rencontre était écrite.

Image40402325La légende veut que les dirigeants de AND1 utilisaient la cassette d’Alston ou « the Skip Tape » comme ils l’appelaient entre eux, uniquement pour se divertir et montrer de belles images aux personnes qui visitaient leurs locaux. Il n’y avait alors qu’une ou deux télévisions, il était donc facile de rassembler les gens devant les exploits de Rafer en boucle. Les employés de la branche marketing avaient quant à eux saisis, par intuition, le potentiel de ces images mais ne savaient pas encore quoi en faire. C’est après une campagne publicitaire de l’été 99 qu’ils réalisent l’impact de ces images.

Leur idée première est de rassembler tous les joueurs NBA qu’ils ont sous contrat pour faire une campagne marketing basée sur leurs « Moves ». On retrouve donc des joueurs comme Darrell Armstrong, Rex Chapman, Larry Hughes (tout juste drafté), Raef Lafrentz, Toby Bailey et Miles Simon à Philadelphie. Pas exactement des prototypes de joueurs de Street mais on organise tout de même un grand dispositif, avec un gymnase loué pour l’occasion. L’agence de publicité capture les mouvements des joueurs (signature moves) dans une ambiance détendue, tout était créé pour mettre les athlètes en confiance (une green room pour se reposer, à boire, à manger, des sièges confortables, une playstation, une énorme TV….). Toutes ces dépenses, en temps et en argent, s’avèreront être en pure perte.

Les joueurs vont tomber sur la cassette de Skip et ils vont la regarder encore et encore durant ces trois jours. Ils vont alors, sur le plateau de tournage de la publicité, commencer à imiter les dribbles de Rafer. Quand ce dernier arrive sur le plateau le dernier jour du shooting, il est accueilli en Roi des Playgrounds par les Nbaers. C’est là que les gens de AND1 ont compris qu’ils ne pouvaient pas faire de Tape avec des joueurs NBA, il leur fallait partir de Skip to My Lou et convertir sa légende au grand public. S’il a fallu encore des tractations, plutôt longues, AND1 a finalement adopté la cassette de Skip, en y ajoutant de la musique avec quelques rappeurs connus, des copies sont alors envoyées à travers le pays pour qu’elles soient diffusées. Ils produisent 50.000 copies et les envoient aux camps d’entrainement, aux labels musicaux, aux influenceurs sur une période de huit semaines.

La réponse fut rapide et unanime: « ON EN VEUT PLUS »! La cassette passait de main en main, diffusée devant de larges audiences et créé un véritable boom, on retrouve des copies illégales qui se diffusent même sur internet.

Le début d’une saga à succès

AND1 décide alors de prendre la Mixtape et de l’emmener à FootAction (filiale de Foot Locker). Cherchant à distribuer cette vidéo par les meilleurs canaux, AND1 veut également lier ces performances à un élément d’achat, à savoir les chaussures. La firme conclut donc un partenariat avec Footaction pour réaliser une opération marketing simple: à l’achat d’une paire de n’importe quel article dans la boutique, quelle que soit la marque, la vidéo est offerte.

L’opération est un franc succès, tous les enfants qui viennent acheter quelque chose repartent avec cette vidéo. Un enfant qui achète une paire de Jordan ou d’Iverson partait aussi avec ce cadeau dans son sac.  C’est pas moins de 200.000 cassettes qui sont écoulées en moins de trois semaines, la campagne promotionnelle la plus prolifique pour un revendeur national.

Ce fût le déclic: AND1 avait utilisé les meilleures images possibles pour réaliser ce premier opus, il fallait à présent créer une franchise à partir de ce petit succès commercial et créer le concept des And1 Mixtape. Il fallait donc trouver des images, de bonnes images, rapidement et pour les avoir, il fallait avoir des joueurs confirmés, avec des moves dingues et impressionnants de playground. Comment faire? Très simple, organiser à travers le pays des évènements AND1 que la firme filmerait. Avec son agence de publicité, AND1 envoie des vidéastes à travers tout le pays et qui se répandent tout l’été pour trouver les meilleurs joueurs avec les meilleurs moves. En août 1999, AND1 met la main sur une légende locale, « Main Event », et organise un match dans sa ville natal de Lynden dans le New Jersey. Dans ce match, Main Event dunke en sautant au dessus d’une moto, une image qui fera la postérité de la marque, petit mix du bonhomme:

Si le joueur n’avait pas encore donné son accord, il était désormais certain que la marche à avenir serait la même: continuer à envoyer des vidéastes pour filmer à travers le pays ce qui en valait le coup. Ceux-ci devaient également tisser un réseau de connaissances, voire d’amitiés au niveau local pour intégrer les playgrounds de street et connaître les joueurs.

Ce même été,  AND1 annonce la mise en place d’un match avec ses joueurs « Platinum », qui se tiendra fin octobre au Hunter College de l’Université de New York. Avec seulement deux mois pour préparer l’évènement, l’équipe marketing se tourne vers Skip et Main Event pour rassembler deux escouades de joueurs. Dans le même temps, AND1 se met en relation avec des labels de musique pour avoir une bande son de qualité. Enfin, il fallait communiquer, mieux et plus, au monde. Si rassembler des joueurs pour un match était une chose, c’en était une autre d’en faire la promotion, de vendre des tickets, de trouver un rappeur pour l’après-match etc….Ainsi naquit le And1 Mixtape Tour qui prendra vit en 2000 et 2001 notamment.

Le 31 octobre 1999, l’hiver est déjà sur Manhattan, toute la bande AND1 arrive de Philadelphie. Et malgré le froid, ils s’aperçoivent que les gens font la queue pour assister au match une bonne heure avant l’ouverture de la billetterie, la queue s’étendra tout du long de l’Université. Le gymnase sera évidemment plein à craquer et le spectacle au rendez-vous, avec en clou, un certain Mos Def!

Il faut préciser que plus tôt dans le mois, AND1 avait publié la seconde Mixtape, toujours en partenariat avec Footaction. On retrouve cette fois de nouveaux visages, en plus de Main Event, avec Headache, Future, Air Craft, Half Man et Shane. Et comme pour le premier opus, les magasins sont dévalisés. Le souci à présent est de s’internationaliser. La demande est plus que présente, les e-mails/lettres et appels affluent de partout pour se procurer une de ces cassettes. A New York même, certaines vidéos se vendaient beaucoup plus chers (25$) sous le comptoir ou sur Ebay. En juin 2000, l’annonce de la sortie de la Mixtape n°2: Le remix, fait bouillir d’impatience les fans et tous les Footaction du pays se battent pour avoir le produit.

 

Ecrit par:

N.K

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