Drazen Petrovic, ce génie

Il aurait eu 50 ans aujourd’hui. Né à Sibenik le 22 octobre 1964, Drazen Petrovic est le deuxième enfant de Jovan et Biserka Petrovic. Son grand frère Aleksandar était un passionné de basket et le jeune Drazen n’hésitait jamais à le suivre sur les terrains. C’est ainsi qu’il débuta le basket.

En première division à 15 ans

A l’âge de 13 ans, Drazen commença à jouer avec le BC Sibenka, le club local. Son talent est immense et, dès 15 ans, il fait ses premiers pas en équipe première qui vient tout juste de gagner sa place en première division yougoslave. Le jeune Petrovic s’impose rapidement comme la star de l’équipe mais aussi son leader.

Avec lui, Sibenka atteint même à 2 reprises la finale de la coupe Korac (1982 et 83). Par deux fois, le CSP Limoges s’imposa. Mais Petrovic commence déjà à faire parler de lui. A seulement 18 ans, en finale du championnat, dans le dernier match de la série contre le BC Bosna Sarajevo, Drazen inscrit les 2 lancers francs de la victoire, faisant preuve de nerfs d’acier que certains n’auront jamais malgré le poids des années. Le petit club de Sibenik est champion…pour quelques jours. En effet, le titre leur sera retiré pour d’obscures raisons…

Petrovic joue également régulièrement avec la sélection Yougoslave dans les championnats Balkaniques. Il remporte deux médailles (bronze et or) avec les juniors et une médaille d’argent avec les seniors. En 1982, il est également médaillé d’argent aux Championnats d’Europe Junior, en Grèce.

Le premier saut

Après un an de service militaire, Drazen suit les traces de son frère et signe au Cibona Zagreb en 1984. Les deux frères forment le meilleur backcourt d’Europe. La première année, le Cibona est champion et vainqueur de la coupe de Yougoslavie. Plus fort, le Cibona remporte sa première coupe d’Europe, l’European Cup, face au Real Madrid. Le Cibona s’impose 87-78, avec notamment 39 points de Petrovic. L’année suivante, le Cibona remet le couvert face au Zalgiris Kaunas d’Arvydas Sabonis. Il plante 22 points. La même année, en finale de la coupe nationale, il plante 46 points contre le Bosna Sarajevo. En 1987, Petrovic score 28 points pour remporter son troisième trophée européen, la coupe d’Europe des vainqueurs de Coupe contre Pesaro.

Mais son exploit le plus retentissant, il le fera lors d’un match de championnat, le 10 octobre 1985. Le Cibona Zagreb défit l’Olimpija Ljubljana et Petrovic plante la bagatelle de 112 points. Sa réputation de scoreur n’était plus à faire. Elle prend ainsi une nouvelle ampleur. Petrovic est le joyau européen, convoité par toutes les grosses écuries.

Avec l’équipe nationale de Yougoslavie, Petrovic remporte le bronze à Los Angeles en 1984. Nouvelle troisième place aux championnats du monde en 1986, suite à une défaite en demi-finale, dans un match simplement exceptionnel, contre la grande URSS, l’autre grosse puissance européenne. A l’Euro 1987, Drazen rentre une nouvelle fois avec le bronze, suite à une défaite yougoslave contre le futur champion, la Grèce. La même année, il remporte tout de mêmes les jeux universitaires, à Zagreb. En 1988, lors des JO de Séoul, Petrovic rentre avec une nouvelle médaille d’argent suite à une défaite en finale contre le rival soviétique, tombeur des Etats-Unis en demi-finale.

Au Cibona, durant 4 ans, Petrovic pulvérise tous les records. Il tourne à 37.7 points par match en Yougoslavie et 33.8 points par match sur la scène continentale. Il détient évidemment le record du nombre de points inscrit en un match (112!) Ses performances sont éblouissantes et les chiffres semblent surréalistes. Il était connu pour sa capacité à scorer plus de 40 points ou offrir plus de 20 passes décisives dans ses grands soirs avec une facilité déconcertante. Autre perf: contre Limoges en 1986, Petrovic inscrit 10 paniers à 3 points, dont 7 consécutifs en première mi-temps. Il finit la rencontre avec 51 points et 10 passes décisives.

De son propre aveu, Drazen a besoin de nouveaux challenges que le Cibona et la ligue Yougoslave ne peuvent lui offrir. De l’autre côté de l’Atlantique, ses droits sont détenus par les Portland Trail Blazers depuis la draft ’86 (choisi au troisième tour en 60e position). Il décide toutefois de rester en Europe et signe au Real Madrid en 1988. Un contrat qui lui assure la somme faramineuse de 4M$ s’il l’honore jusqu’au terme.

Un an en Espagne et cap sur la NBA

La saison 1988-89 verra donc Petrovic sous les couleurs du Real Madrid. Son objectif : tout gagner. Ce sera presque le cas. Le Real va en finale du championnat mais est battu en 5 manches par le FC Barcelone. En finale de la coupe du Roi, le Real prend sa revanche sur Barcelone. Petrovic mène aussi son équipe en finale de la coupe des vainqueurs de coupe contre l’équipe italienne de Snaidero Caserta. Ce soir-là, il égale sa meilleure perf européenne, 62 points. Sa première et unique saison en ACB est marquée par deux records qui tiennent encore, le nombre de points inscrits dans une finale de playoffs (42) et le nombre de trois points inscrits en un match (8).

A l’été 89, Drazen participe à l’Euro organisé chez lui, à Zagreb. Cette fois, rien ne peut l’empêcher de décrocher la victoire finale. La Yougoslavie remporte tous ses matchs et a l’occasion de prendre sa revanche sur la Grèce qui les avait privé de finale 2 ans plus tôt. Ce n’est qu’une formalité. Drazen est le second au classement des scoreurs et est nommé MVP du tournoi.

Parmi ses coups d’éclat, il claque 30 points contre la France.

Motivé pour d’autres défis, Petrovic répond favorablement à l’appel des Blazers. Il quitte donc l’Espagne au bout d’un an et rachète lui-même son contrat, puisque les règles NBA interdisaient les indemnités de transfert.

Dans ses déclarations d’avant saison, Petrovic insiste sur le fait qu’il a besoin de temps et de temps de jeu pour montrer tout son talent. Seul problème, à son poste évolue un certain Clyde Drexler, star de l’équipe depuis 6 ans. Le meilleur joueur du vieux continent est donc condamné à jouer 12 minutes par match dans le garbage time. 12 minutes qu’il rentabilise avec 7.4 points par match. La saison suivante est encore pire, 7 minutes par match et un rendement anecdotique. Drazen est frustré et demande son transfert. Dans un trade incluant les Nuggets, il part pour le New Jersey.

Lors de l’été 90, il devient champion du monde avec la Yougoslavie à Buenos Aires. En finale, ils battent l’URSS pour une autre revanche. Avec le climat politique de l’époque, les tensions pouvaient se ressentir jusque dans l’équipe. Lors de la célébration du titre sur le parquet, Petrovic sort un drapeau croate. Une « erreur » qui entraîne une grosse fâcherie avec un de ses amis de longue date, Vlade Divac qui est d’origine serbe.

New Jersey: la reconnaissance

Le 23 janvier 1991, Drazen Petrovic est officiellement transféré aux New Jersey Nets. Petrovic fait partie d’une équipe qui contient deux des meilleurs prospects de l’époque, Kenny Anderson et Derrick Coleman. Mais également une équipe qui n’a plus atteint les playoffs depuis 1986. Déterminé à ne pas connaître la même désillusion qu’à Portland, il se met de suite en action. Son temps de jeu progresse (20.5 minutes par match) et il inscrit 12.6 points par match en 43 matchs. Cette saison-là, les Nets ne remportent que 26 matchs, mais une alchimie semble se créer dans l’équipe.

Sa première saison complète est exceptionnelle. Il ne loupe aucun match, et inscrit 20.6 points par match en 36.9 minutes. Avec un pourcentage de réussite de 51%, il est l’arrière le plus efficace de la league et s’impose comme le leader de son équipe. Surtout, les Nets remportent 14 matchs de plus que la saison précédente et disputent enfin une série de playoffs, contre Cleveland (défaite 3-1)

Lors des JO 1992, Petrovic dispute son premier tournoi sous les couleurs de la toute jeune Croatie. Petrovic en est bien entendu le leader, même si la qualité ne manque pas avec des joueurs comme Toni Kukoc, Dino Radja… Comme à chaque tournoi international, Petrovic atteint les demi-finales. Celle-ci oppose sa patrie à la toute aussi jeune Russie. Petrovic inscrit les lancers francs de la gagne et la Croatie a l’honneur de défier la Dream Team originale en finale. La Croatie avait déjà perdu en poule contre les américains (103-70, le plus petit total de points concédés aux américains durant ce tournoi). Les américains confirment leur supériorité et s’imposent 117 à 85 lors de cette finale. La Croatie rentre donc avec la médaille d’argent.

Lors de la saison 1992-93, Drazen augmente ses moyennes (22.3ppg à 52% et 45% derrière l’arc). Les américains sont sous le charme et Petrovic est nommé dans la All-NBA Third Team. Cependant, il est le seul parmi les 15 meilleurs scoreurs de la league à ne pas être invité au All-Star Game. Une grosse déception… En playoffs, les Nets sont une nouvelle fois éliminés par les Cavs, mais en 5 manches cette fois-ci.

Il envisage alors de quitter les Nets, déçu des tensions existant entre lui et ses coéquipiers. De plus, les dirigeants des Nets ne lui ont toujours pas proposé de prolonge son contrat. Il déclare alors aux journalistes américains que face au manque de reconnaissance de la league, il allait quitter la NBA et jouer en Grèce. La rumeur court, un accord existerait entre Petrovic et le président du Panathinaikos, Pavlos Giannakopoulos qui lui aurait offert un chèque en blanc.

Drame…

Durant l’été ’93, après sa meilleure saison NBA, Petrovic part pour la Pologne où la Croatie dispute un tournoi de qualification pour l’ Euro 93. Le 6 juin 1993, à Wroclaw, la Croatie bat la Slovénie. Drazen décide de ne pas rentrer en Croatie avec ses coéquipiers et part pour l’Allemagne, avec son véhicule privé, rejoindre un ami. Nous sommes le 7 juin 1993, il est 17h20 sur l’autoroute 9 à proximité de Denkendorf, près d’Ingolstadt en Allemagne, quand survient un accident. Selon le rapport de police, un camion franchit la ligne médiane, tenta d’éviter la collision avec le véhicule en face, le chauffeur perdit le contrôle de son camion et le choc fut inévitable. Quelques secondes plus tard, une Golf VW percuta le camion.

Dans cette voiture, un passager dormait, Drazen Petrovic, un passager qui ne se réveillera jamais. Dans cet accident, Drazen Petrovic fut la seule victime. Le monde du basket commençait à pleurer, à regretter puis à honorer l’un des tous meilleurs joueurs jamais vu sur un parquet.

… et hommage

Drazen Petrovic est enterré au cimetière de Mirogoj, à Zagreb. Là où sont enterrés tous les grands hommes croates, tout un symbole. Le 4 octobre 1993, le Cibona stadium est renommé en Drazen Petrovic Basketball Hall. Un jardin public lui est également dédié à Zagreb et porte son nom. Le 11 novembre 1993, les New Jersey Nets retiraient officiellement le maillot floqué du numéro 3. Depuis 1994, le MVP du McDonalds Championship (le tournoi de jeune réservé aux meilleurs lycéens…) reçoit le Drazen Petrovic Trophy. Le 29 avril 1995, une statue de Petrovic a été érigée et inaugurée au Musée Olympique de Lausanne, devenant seulement le second athlète à recevoir cet honneur. Petrovic a été intronisé au Hall of Fame NBA en 2002. Pour marquer le 13e anniversaire de sa mort, un Memorial a été ouvert à Zagreb, un grand temple regroupant de nombreux documents sur sa vie et sa carrière.

Pour conclure tous ces hommages, une petite anecdote: le 8 juillet 2001, Goran Ivanisevic remportait Wimbledon et dédicaça sa victoire à son vieil ami et se présenta lors de la cérémonie officielle à Zagrebavec le maillot de Petrovic sur le dos.

Les hommages les plus vibrants restent ceux de personne l’ayant cotoyé, à commencer par son frère, Aleksandar.

Aleksandar Petrovic : Je vais vous demander, à tous ceux qui ont aimé Drazen Petrovic, une chose. Je souhaite que Drazen reste dans vos mémoires comme un homme qui a travaillé dur pour devenir le basketteur qu’il fut… parce que il était là pour vous, ses fans. Je veux que vous vous souveniez de Drazen comme un homme qui vous a apporté de la joie, des sourires. Tant de trésor que ces moments avec Drazen, gravés pour toujours. La destinée nous l’a enlevé, probablement au pic de sa carrière. Il est devenu une légende, il nous a montré la voie.

Son ex coéquipier aux Blazers Clyde Drexler a également eu des mots très forts:

Clyde Drexler : Drazen et moi étions de très bons amis. J’étais un de ceux qui l’avaient accueilli à Portland quand il est arrivé. Nous avions parlé de sa famille, de son restaurant, de ses amis. Il aimait le basketball. Je le respecte énormément pour le travail qu’il a accompli. Tous les jours, à l’entrainement, il était le premier à venir et le dernier à partir. Pour son dévouement, je ne peux qu’avoir du respect pour lui.

Le dernier hommage vient d’un vieil adversaire, Michael Jordan.

Michael Jordan : C’était excitant de jouer contre lui. Chaque fois que nous nous affrontions, nous le faisions avec agressivité. Il venait à moi avec dureté et je faisais pareil. Nous avons eu tant de belles batailles dans le passé, et malheureusement, elles furent trop courtes.

Drazen Petrovic, un grand joueur, une légende pour tout un pays. Une machine sur les parquets qui a pulvérisé tous les records. Un joueur, un homme que la fatalité a enlevé à ce monde bien trop rapidement. Il avait encore tant à donner, à offrir. Repose en paix, Drazen…

Sa fiche

  • Né le 22/10/1964 à Sibenik, en ex-Yougoslavie.
  • Poste: Arrière
  • Taille: 1.98m
  • Poids: 90kg

Club successifs:

  • BC Sibenka: Formé jusqu’en 1984
  • BC Cibona: 1984/88
  • Real Madrid: 1988/89
  • Portland TrailBlazers: 1989/91
  • New Jersey Nets: 1991/93

Palmarès en club:

  • Finaliste de la Coupe Korac (’82 et ’83)
  • Vice-Champion de Yougoslavie (Sibenka ’83, Cibonia ’86))
  • Champion de Yougoslavie (Cibona ’85)
  • Vainqueur de la coupe de Yougoslavie (Cibonia ’85, ’86, ’88)
  • Vainqueur de l’European Cup (Cibonia ’85, ’86)
  • Vainqueur de la Coupe des Vainqueurs de Coupe (Cibonia ’87, ’89)
  • Vainqueur de la Coupe Korac (Cibona ’88)
  • Vice-Champion d’Espagne (Real Madrid ’89)
  • Vainqueur de la coupe d’Espagne (Real Madrid ’89)
  • Vice Champion NBA (Blazers ’90)

 

Palmarès en sélection:

  • Médaille de bronze aux championnats des Balkans U18 (’80)
  • Médaille d’or aux championnats des Balkans U18 (’82)
  • Médaille d’argent à l’Euro U18 (’82)
  • Médaille d’argent aux championnats des Balkans (’84)
  • Médaille de bronze aux JO (’84)
  • Médaille de bronze aux Championnats du Monde FIBA (’86)
  • Médaille de bronze à l’EuroBasket (’87)
  • Médaille d’argent aux JO (’88)
  • Champion d’Europe (’89)
  • Champion du Monde (’90)
  • Médaille d’argent aux JO (’92)

Ecrit par:

Jérôme

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