De l’importance de l’éthique au plus haut niveau

Si les dernières saisons ont démontré que la draft 2003, et quelques génies, dominent la ligue, elles ont également eu comme effet de révéler certains vieux joueurs, toujours au niveau. A ce titre, la « Work ethic » ou éthique de travail, s’avère primordiale dans le cheminement et la fin de carrière d’un joueur. L’exemple le plus flagrant étant Kobe Bryant, 34 ans, au sommet de son art. Il sera l’un des piliers de cet article puisqu’il a réussi à construire une véritable légende autour de ses habitudes de travail, un stakhanoviste parmi quelques autres…malgré sa saison 2013/14.


By all means necessary

C’est un des entraineurs de Team USA, sur le site communautaire Reddit, qui rapporte ce témoignage édifiant d’une nuit au camp d’entraînement avec Kobe Bryant:

Je suis un entraineur spécialisé dans le physique des joueurs depuis 16 ans maintenant, j’ai côtoyé beaucoup de professionnels et j’exerce actuellement à Cincinnati où je soigne entre autre des joueurs des Bengals (NFL). J’ai décidé de vous parler de Kobe Bryant, on connaît tous le fait qu’il est un bourreau de travail mais je vais vous le démontrer, son travail acharné est inhumain.

BryantMachine_625_070817J’étais invité aux Las Vegas Summer League pour aider Team USA dans sa préparation physique, juste avant son départ pour Londres. J’ai pu travaillé avec Carmelo Anthony et Dwyane Wade dans le passé mais c’était la première fois que je pouvais interagir avec Kobe. On s’est rencontré trois jours avant les premiers tests physiques, le jour du premier entrainement, début juillet. On a parlé de sa forme actuelle, d’où il voulait aller….il a pris mon numéro, au cas où il aurait besoin d’un extra de ma part, quand il voudra.

La nuit d’avant test, je me souviens avoir regardé le film Casablanca et vers 3h30 du matin, allongé dans mon lit, à demi-endormi, je reçois un coup de téléphone. C’était Kobe, je réponds nerveusement:

– « Hey Rob, j’espère que je ne te dérange pas »

– « Heu..non, quoi de neuf Kobe? »

– « Je me demandais si tu pouvais m’aider avec quelques exercices physiques, c’est tout. » (4h15 du matin)

– « Oui bien sûr, on se retrouve au gymnase dans un petit moment »

Quand je suis arrivé, il y avait Kobe tout seul au milieu de ce grand terrain d’entrainement. Il était en sueur, on l’aurait dit sorti d’une piscine, il n’était pas encore 5h du matin.
On a fait quelques exercices pendant une heure et quart, puis on est allé dans la salle de musculation, où il a fait une multitude d’exercices pendant encore 45 minutes. Après ça, nous nous sommes séparés, lui est retourné sur le terrain pour faire quelques shoots. On m’attendait le lendemain matin vers 11h dans la salle, j’étais pour tout vous dire fatigué et un peu à côté de mes pompes en arrivant, merci Kobe! C’est maintenant que cela devient intéressant. Tous les joueurs de Team USA étaient là, Lebron était de mèche avec Carmelo, et Coach K en entrevue avec Durant. Sur la droite j’aperçois Kobe qui fait des séries de shoots, tout seul. Je suis donc allé lui parlé en lui disant:

– « Bon travail ce matin »

– « Hein? »

– « Je veux dire, physiquement. »

– « Ah merci Rob, j’ai vraiment apprécié ta venue »

– « Alors à quelle heure as-tu fini?

– « Fini quoi? »

– « Ta série de shoot entamé à 5h, à quelle heure es-tu parti? »

– « Oh, je suis en train de terminer là, je voulais en réussir 800 avant d’arrêter »

Les bras m’en sont tombés. Nom de dieu! C’est à ce moment que j’ai compris qu’il n’y a pas de surprise à le voir continuer à être aussi performant à son âge. Toutes ces histoires sur sa passion dévorante, toutes les anecdotes qui parlent de son travail très dur et frénétique, elles ont pris forme sous mes yeux. Je comprends mieux comment il fait pour dunker sur de jeunes joueurs et pourquoi il reste un des top scoreurs de la ligue.


Reddit FTW

Ce témoignage fait tâche d’huile. Dans les commentaires d’autres y vont de leurs anecdotes, je me propose de vous en traduire une seconde, encore plus savoureuse sur l’homme:

Mon père travaillait dans l’organisation des Lakers de 1993 à 2002, je me souviens qu’il était allé aider un joueur à soigner une blessure un soir. Un assistant coach, Bill Bertka, avait comme mission d’arrêter l’entraînement de Kobe à un certain moment car le staff pensait fortement qu’il en faisait trop et qu’il allait craquer physiquement.


Quand ils ont appris que Kobe était revenu à la salle après sa fermeture, à plusieurs reprises, de son propre chef, Bill lui a fait rendre sa clé du gymnase. Il y a eu un sacré échange entre le management et Kobe concernant ses habitudes de travail et il pensait ne pas être pris au sérieux, infantilisé. A un moment, il a carrément interpellé Jeanie (Buss) en lui disant: « s’ils ne peuvent pas me supporter dans mon pire état, ils ne me méritent pas dans mon meilleur », une phrase qui est remontée jusqu’à Jerry West.


Retour à cette histoire de clé. Mon père était à la salle et aux alentours d’une heure du matin Kobe arrive pour s’entraîner. Quand il a remarqué mon père et les joueurs se soignant, il leur a balancé: « vous n’avez encore rien vu ». Mon père me raconta alors que Kobe était encore là, à prendre des shoots…à 14h30. Le lendemain, il va quand même le voir et lui demande comment il a réussi à entrer dans l’enceinte, ce à quoi la star lui répond, tout sourire, « j’ai mes entrées ». Mon père découvrira le pot-au-rose: il y avait une chaussette bloquant la fermeture d’une des portes, bien dissimulée.

Des témoignages édifiant, qui montrent que le « Black Mamba » ne réussit pas pour rien, le travail est au centre de son activité. Mais plus encore que ces anecdotes, c’est le consensus, unanime, des journalistes, analystes, coachs etc…qui ont côtoyé un jour l’homme, de près ou de loin, qui s’accordent à attester de cet état d’esprit. Mes recherches sur l’éthique sportive en NBA ont d’ailleurs systématiquement eu le mot-clé « Kobe Bryant » quelque soit la source. C’est une référence. Le site BusinessInsider va même consacrer un article entier avec comme titre: « 16 exemples de l’éthique démesurée de Kobe Bryant ». Énumérons-les:

  • il décide de perdre presque 10 kilos pour les J.O 2012 pour soulager ses genoux, done.
  • au lycée, arrive à 5h du matin à la salle…repart à 19h.
  • Shaq dira: « vous arrivez dans la salle et vous le voyez travailler sans ballon, TOUT SEUL, faire des cuts dans le vide, faire des feintes et dribbles sans ballon, j’ai trouvé ça étrange«
  • en général, il compte tous ses paniers convertis et s’arrête à 400
  • ESPN rapporte que les jours de match, il fait des « pompes suicides », où lorsqu’il remonte, fait un saut et retombe sur ses doigts/pieds
  • il a demandé à Nike de limer quelques millimètres de sa chaussure de prédilection pour gagner, en 2008, quelques centièmes à la course
  • il plonge ses jambes dans de la glace trois fois par jour et fait de l’acuponcture
  • selon ESPN encore, à la mi-temps, il fait des reviews vidéos de ce qu’il vient de se passer, avec ses coéquipiers
  • il garde fréquemment des joueurs lambda à la fin de l’entrainement pour tenter de nouvelles choses
  • un Scout NBA en 2008: « Allen Iverson aime jouer pour les spot lights; Kobe est déjà dans son match avant ça«
  • il va reproduire le shoots inarrêtable (sans l’arc-en-ciel) de Dirk Nowitzki, à la perfection, comme on peut le voir ici

Tout ceci n’est pas sans rappeler les jours glorieux d’un certain Michael Jordan, qui n’était pas simplement un génie bourré de talent, il était aussi un travailleur acharné et un compétiteur hors pair. L’année 2013/14 a par contre mis en lumière un fait: Kobe Bryant est finalement un être humain. Cela a fait l’objet d’un bon article sur ESPN avec notamment ce commentaire de Brian Shaw

Je pense que pour la première fois – et ce sont mes mots – mais pour la première fois, je sens de la frustration chez lui. C’est une situation qu’il ne peut contrôler à cause de ses deux blessures au genou et au tendon d’Achilles, elles sont dévastatrices et demandent beaucoup de temps de repos. Il doit revenir en fonction de la guérison de son corps et pas de son esprit, où il est toujours prêt.

L’annonce de sa fin de saison (au vu du record et de la nullité des Lakers) a fait grand bruit:


I’m bad, i’m bad

Il n’est cependant pas le seul à être réputé pour sa bonne éthique de travail. Bleacherreport va même se faire un plaisir de parler de plusieurs joueurs, souvent moins connus car concentrés sur le travail de l’ombre. On peut citer quelques noms comme Ben Wallace, un col bleu à Detroit, qui n’avait de cesse de trimer sur le rebond et le block; Rip Hamilton et son shoot à mi-distance toujours aussi dévastateur; Shane Battier, qui est connu dans la ligue pour regarder le plus de vidéos de matchs; Stephen Curry qui pousse son corps en prenant des pelletés de shoots; et même Gilbert Arenas, dont on dit qu’il prenait 1000 shoots minimum avant de penser à partir de la salle. Dwyane Wade, Lebron James, Derek Fisher, Ron Artest, Gerald Wallace, Steve Nash, Jason Kidd, Tim Duncan, Kevin Garnett, sont tous reconnus pour leurs talents propres et leur force de travail colossale.

LEBRON JAMES DWYANE WADE

Cependant, s’il y a de bons joueurs dans ce domaine, il y en a des mauvais également. Tracy McGrady a longtemps trainé cette réputation de joueur fainéant, reposant sur ses acquis et son talent mais surtout ne se soignant pas efficacement et ne prenant pas soin de son corps. Bien sûr qu’il travaillait beaucoup pour être aussi bon offensivement mais l’éthique c’est aussi savoir se ménager. Il en a souffert, puisque les blessures ont détruit sa carrière. Une anecdote me revient. Lorsqu’il était aux Rockets. Une esclandre avait eu lieu entre lui et son médecin (le troisième ou quatrième…) car il voulait jouer à tout prix, faire un retour précipité – qui s’est avéré terrible de désillusion – et n’a pas hésité à blâmer son soigneur dans la presse en indiquant qu’il l’empêchait de jouer alors qu’il était guéri.

La chute d’un joueur comme Jamaal Tinsley s’explique aussi par ce fait, il était pourtant titulaire aux Pacers au début de sa carrière avec un jeu intéressant tout en passes fantastiques. Son manque de travail l’a desservi et il perdit pied dans l’effectif avant d’errer à la Free Agency où sa réputation le précédait. Deux joueurs qui une fois vieux, ont trouvé des équipes de jeunes où s’exprimer (Atlanta, Utah) avec sagesse. On peut encore citer Carmelo Anthony, dont la défense n’est pas priée, Hedo Turkoglu, qui connaît une chute vertigineuse en NBA, je vous invite à regarder ses statistiques en carrière, éloquentes.

Du temps des Wizards, Andray Blatche faisait parler de lui dans ce domaine également. On le disait distrait, fainéant, indiscipliné, égoïste, immature etc… depuis son départ aux Nets, il n’a toujours pas acheté de défense mais il doit se battre pour sa place sur le banc (quand Lopez n’a pas le pied cassé…) et ça a changé des choses. L’énigme Drew Gooden, apparait aussi. Un joueur au début assez unidimensionnel mais qui a su adopter une certaine défense au fur et à mesure des années, même si son potentiel de départ a été gâché. Il tente une relance aux Wizards, qui s’avère payante. Et puis, comment ne pas parler de Michael Beasley? Entre Marijuana, oubli de faire faute dans les dernières secondes d’un match, air-balls… Il souffre de manques de concentration et d’une absence défensive à toute épreuve, se reposant sur son physique et son talent offensif, qui sied bien dans la NBA contemporaine.

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Comment oublier les frasques de Joakim Noah, en juin 2012, lorsqu’il est pris en photo sur la plage plutôt qu’à l’entraînement, alors que sa participation à l’Equipe de France est primordiale ? Il a néanmoins redoré son blason cette année avec une année exceptionnelle, sans blessures. Enfin, last but not least, Baron Davis. Une chose que tous les scouts et toutes les équipes savaient : lorsque les training camps arrivaient, on était sûr de voir revenir le Baron en surpoids et hors de forme. Lui qui était un All-Star en puissance, vénéré par beaucoup, il s’est laissé allé jusqu’à terminer piteusement sa carrière entre blessures, hernie discale et en passant par la petite porte.


Damian Lillard

Je vous laisse en vidéos, avec Damian Lillard, le fantastique meneur des Blazers. Le joueur a monté un véritable documentaire pré-draft pour montrer ce qu’il fallait faire pour devenir un top-pick NBA. Son goût pour le travail est mis en lumière, je vous conseille fortement le visionnage de ce petit bijou. Pour vous mettre l’eau à la bouche, un extrait sans commentaires, de son rythme et de ses exercices.

Pour le reste, avec le principal protagoniste qui commente tout du long, c’est passionnant à voir et écouter:

Ecrit par:

N.K

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