NCAA: Dean Smith, une légende nous a quitté

Dean Smith, 2 titres avec North Carolina, 11 Final Fours disputés, 36 ans sur le banc des Tar Heels, 879 victoires en carrière (77.6% de victoires), champion olympique en 1976 et membre du Basketball Hall of Fame, s’est éteint samedi dernier à l’âge de 83 ans. Pour beaucoup c’était le coach de Michael Jordan à UNC. Mais Dean Smith c’était bien plus que ça.

En plus de 40 ans de carrière, Smith a coaché Michael Jordan bien sur mais également des pointures comme James Worthy, Phil Ford, Antawn Jamison, Rasheed Wallace, Vince Carter, Jerry Stackhouse. Il a influencé le jeu et la pratique du basketball comme personne.

Véritable instituteur et pédagogue du basket, Dean Smith était connu pour l’importance qu’il donnait à l’éducation de ses joueurs, comme le prouve le taux de 96.6% de diplômés qu’il a coaché dans sa carrière.

A North Carolina, Smith a œuvré pour la promotion de la mixité sociale et raciale, notamment en aidant Charlie Scott, le premier Afro-Américain à obtenir une bourse sportive et à jouer pour les Tar Heels.

Les débuts

Né à Emporia, Kansas en 1931 de parents instituteurs, Dean Smith était déjà dans le monde du basket très tôt vu que son père Alfred coachait l’équipe du lycée de Emporia High avec laquelle il remporta le titre de l’Etat en 1934. Comme son fils plus tard, Alfred Smith intégra un Afro-Américain dans son équipe, une première dans l’histoire du tournoi d’Etat du Kansas.

Etudiant au lycée de Topeka High, Dean Smith joua pendant ses 4 années au basket et fut nommé dans l’équipe All-State lors de son année senior. L’intérêt de Smith ne se limitait pas qu’au basket vu qu’il joua également comme QB dans l’équipe de football et comme catcher dans l’équipe de baseball.

En sortant du lycée, Smith intégra Kansas University grâce à une bourse d’étude. Majeur en mathématiques, Smith continua de s’intéresser à plusieurs sports puisqu’il intégra les équipes de basket, de football et de baseball. C’est bien sur dans l’équipe de basket qu’il va se révéler : il remporte le titre national en 1952 et est finaliste en 1953. Son coach se nomme Phog Allen, joueur à Kansas du temps de James Naismith, l’inventeur du basket. Après avoir obtenu son diplôme, Smith devient assistant coach à Kansas pendant la saison 1953-54 et rentre ainsi dans le « coaching tree » de James Naismith, via Phog Allen, le disciple de Naismith.

La carrière de coach

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Après avoir servi dans l’Air Force en Allemagne, Smith rejoint l’Université de North Carolina en 1958 comme assistant coach sur proposition du coach Frank McGuire. Après 3 ans comme assistant, il est nommé coach en 1961 suite au licenciement de McGuire pour une affaire de recrutement qui tourne au scandale. Le programme étant mis en probation par la NCAA, la première mission de Smith est de nettoyer le programme de ces sombres histoires et de redonner une bonne image de l’université.

Pour sa première saison de seulement 17 matchs, Smith s’en sort avec un bilan de 8-9, ce qui sera sa seule saison négative dans sa carrière. Après la saison 1966, UNC ne terminera jamais au delà de la 3e place en ACC avec Dean Smith comme coach.

A la fin des années 1960, Smith connaît ses premiers succès : son équipe remporte deux fois de suite le titre en ACC et atteint le Final Four 3 ans de suite. Mais en face, UCLA et John Wooden collectionnait les titres et UNC s’incline lors de la finale nationale 1968 face aux Bruins.

Le premier titre

Il a fallu 7 Final Four à Dean Smith avant de gagner un titre. Son premier titre arrive en 1982 face à Georgetown avec une équipe composée de Michael Jordan, James Worthy et Sam Perkins. Jordan n’était que freshman et les stars de l’équipe étaient Worthy et Perkins. Smith décida que c’était Jordan qui allait prendre le dernier shoot et non Worthy ou Perkins, de façon à surprendre l’adversaire et parce qu’il avait confiance à MJ et sa « clutchitude » qu’il avait déjà repéré au lycée.

 Le deuxième titre

Il a fallu attendre 11 ans avant de revoir Smith remporter un titre. Avec une équipe composée de George Lynch, Eric Montross, Brian Reese, Donald Williams et Derrick Phelps, les Tar Heels atteignent le Final Four comme 1st seed. Face à Kansas en demi-finale (coaché par Roy Williams), UNC s’impose 78-68 et s’offre le droit d’affronter le Fab Five de Michigan en finale. Le match intense et serré est surtout marqué par le temps mort pris par Chris Webber alors que les Wolverines n’en n’ont plus. La faute technique, les lancers-francs tuent Michigan. UNC s’impose 77-71, offrant son 2e titre à Dean Smith.


Retraite

Smith annonce sa retraite le 9 octobre 1997. Il a toujours dit que le jour où il ne pourrait plus donner le même enthousiasme à ses joueurs comme il l’a fait pendant des années, il arrêterait. L’annonce est très soudaine et pas vraiment attendue. C’est Bill Guthridge, son assistant pendant 30 ans qui lui succède.

Même à la retraite, Smith garde une influence importante sur le programme de North Carolina. C’est lui qui influence directement Roy Williams à venir à UNC lorsque le poste de coach est vacant en 2003. Il s’entretient également avec les joueurs lorsque ceux-ci doivent prendre la décision de partir pour la draft NBA ou de retourner à la fac. Il assiste aux entrainements, prenant des notes pour ensuite en parler aux coachs.

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En juillet 2010, on apprend que l’état de santé de Smith se détériore et qu’il commence à avoir des pertes de mémoires. Sa biographie entamée avec le journaliste John Feinstein est donc abandonnée. Même s’il avait du mal à se souvenir du nom de tous ses joueurs, Smith ne ratait jamais un match des Tar Heels à la télévision.

Coaching

Ayant eu comme coach Phog Allen, Smith fait partie directement du lignage de James Naismith. Il va mettre en place la « Four Corners offense » qui sera pratiquée par les Tar Heels à l’époque où il n’y avait pas encore d’horloge de shoot. Utilisé pour manger le chrono, éviter les pertes de balles et marquer des paniers faciles à hauts pourcentages, cette tactique a été directement responsable de l’implantation de l’horloge de shoot en 1985 afin d’empêcher les Tar Heels notamment de garder le ballon trop longtemps.

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Phil Ford l’executera à la perfection, à telle point qu’elle sera rebaptisée « Ford Corners offense » pendant son passage à Chapel Hill:

Lorsque l’horloge de shoot sera mise en place (45s puis 35s) Smith va s’adapter et son style sera plus up-tempo, basé avant tout sur la passe, une défense agressive faite de prises à deux et des paniers faciles. Une stat incroyable symbolise ce style de jeu qui prône une prise de risque minimum sur le shoot : en 36 ans, seulement 4 fois son équipe a eu un pourcentage de moins de 50% au shoot sur une saison !

Un geste simple qui fait parti du basket et qu’on connaît tous : le joueur venant de marquer le panier pointe du doigt le passeur en guise de remerciement. C’est Dean Smith qui a instauré ce geste. Il l’a même obligé à ses joueurs, la passe étant aussi importante que le panier marqué.

Il institua également la pratique de titulariser tous les seniors lors du Senior Day, marquant le dernier match à domicile des seniors, de façon à honorer leur contribution. Une tradition toujours respectée chez les Tar Heels. Il alla même jusqu’à titulariser 6 seniors s’il en avait 6 dans son équipe, quitte à prendre une faute technique pour débuter le match (Roy Williams ne va pas jusque là).

Appartenant au coaching tree de Jaimes Naismith, Dean Smith laisse également un tas de « padawans » derrière lui également, la Carolina Family comme il aimait l’appeler : Larry Brown, Billy Cunningham, Hubert Davis, Matt Doherty, Phil Ford, Bill Guthridge, George Karl, John Kuester, Mitch Kupchak, Doug Moe ou encore Roy Williams.

Politique

Très actif en politique, Smith soutenait ouvertement le Parti Démocrate et soutenu même financièrement les campagnes présidentielles d’Howard Dean et Bill Bradley. Smith était également opposé à la guerre du Vietnam et enregistra des spots radio dans les années 1980 afin de s’opposer aux armes nucléaires.

Farouche opposant à la peine de mort, Smith déclara en 1998 « la peine de mort fait de nous tous des meurtriers ». Une fois à la retraite, il continua ses engagements contre la guerre en Irak, la peine de mort et pour les droits des homosexuels.

Hommages

Roy Williams a été pendant 10 ans l’assistant de Dean Smith :

 Roy Williams : Je voudrais dire au nom de tous les joueurs et coach, passés et présent, que Dean Smith était l’image parfaite de ce q’un coach universitaire devait être. Nous l’aimons et il va nous manquer. C’était un mentor pour tellement de gens, c’était mon, mentor. Il m’a fait venir à UNC, il m’a donné ma chance mais plus important, il a partagé sa connaissance du basket avec moi. C’est le plus beau cadeau qu’il m’ait fait. J’ai 64 ans et tout ce que je fais avec ce programme et avec cette Université je le fais en espérant que Coach Smith soit fier de moi. 

 Michael Jordan : A l’exception de mes parents, personne n’a eu autant d’influence sur ma vie que Coach Smith. Il était plus qu’un coach, il était mon mentor, mon professeur, mon deuxième père. Il a toujours été là pour moi quand j’ai eu besoin de lui et je l’aimais pour ça. En m’apprenant le basket, il m’a appris à vivre. Je suis de tout cœur avec Linnea et leurs enfants. Nous venons de perdre un homme remarquable qui a eu un impact incroyable sur ses joueurs, son staff et toute la famille de North Carolina.

 Coach K : Nous avons perdu un homme que nous ne pouvons pas remplacer. Il était unique et le basketball a perdu un de ses vrais piliers. Dean possédait un esprit du basket incomparable et était un magnifique professeur et tacticien. Tout en construisant un programme d’élite à North Carolina, il s’occupait également des problèmes sociaux. 

 Barack Obama : Samedi soir, l’Amérique n’a pas seulement perdu une légende du coaching mais un gentleman et un citoyen. Quand il a pris sa retraite, Dean Smith avait gagné plus de matchs que n’importe quel coach universitaire dans l’Histoire. Il a participé à 11 Final Fours, a gagné deux titres nationaux et a formé toute une génération de joueurs qui a montré des choses encore meilleurs par la suite, dont un jeune homme nommé Michael Jordan. Mais plus important, Coach Smith (…) a permis à 96% des joueurs qu’il a coaché d’être diplômé, a appris à ses joueurs à pointer du doigt le passeur lors d’un panier marqué. Il fut un acteur dans la lutte des droits civiques en recrutant le premier joueur de couleur à North Carolina. Dans ses dernières années, Coach Smith nous a montré comment combattre la maladie avec courage et dignité. Pour tout cela, je ne pouvais pas être plus fier que d’honorer Coach Smith de la Médaille de la Liberté en 2013.

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Palmarès

  • 2 fois champion NCAA (1982-1993) comme coach, une fois comme joueur (1952)
  • 879 victoires en carrière (un record lors de son arrêt)
  • 77.6% de victoires en carrière
  • 36 saisons comme coach des Tar Heels
  • 11 Final Four
  • 17 titres de saison régulière en ACC, 13 tournois de conférence
  • 72.8% de victoires en ACC
  • 4 fois Coach of the Year (1977-79-82-93)
  • 8 fois Coach of the Year en ACC (1967-68-71-76-77-79-88-93)
  • dans le top 3 de l’ACC 33 fois en 36 saisons
  • une saison négative en 36 ans, sa première
  • champion olympique en 1976 (head coach des USA)
  • Basketball Hall of Fame (1983)
  • College Basketball Hall of Fame (2006)
  • North Carolina Sports Hall of Fame (1981)
  • Kansas Sports Hall of Fame (1996)
  • FIBA Hall of Fame (2007)

 

 

 

 

Ecrit par:

Ben

4 Commentaires

  1. Free_Eagle -  12 février 2015 - 16:11

    L’hommage de MJ est particulièrement fort, intense, et respire la sincérité….je ne l’avais encore jamais « entendu » parler de manière aussi émotive….frissons.

    Répondre
  2. Jérôme -  14 février 2015 - 14:26

    Merci Ben pour cet article passionnant.
    RIP.

    Répondre
  3. Ben -  16 février 2015 - 00:36

    Et cette semaine, on a perdu également Jerry Tarkanian, autre coach mythique en NCAA. Tarkanian c’est 729 victoires en carrières, plus de 75% de victoires en général, 4 Final Four et un titre avec UNLV en 1990. On se souvient de cette équipe de fou furieux de UNLV au début des années 1990 avec Larry Johnson, Greg Anthony et Stacey Augmon. C’était attaque à outrance avec régulièrement la barre des 100pts dépassée et cette finale contre Duke qui se solde par une victoire de 30pts, plus gros écart jamais vu dans une finale ncaa. Bcp de controverses également car ça flirtait régulièrement avec l’illégalité dans les règlements ncaa. Tarkanian a également coacher en NBA chez les Spurs où ça c’est pas très bien passé avant de revenir en ncaa à Long Beach State puis Fresno State. Il était connu pour recruter en junior college et souvent des joueurs difficiles qui ne rentrait pas dans le moule ncaa et qui avaient déjà été suspendu ou avaient des soucis avec la justice. C’était un peu le coach des 2e chances.

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    • Jérôme -  16 février 2015 - 15:27

      J’en avais aussi entendu parler, découvrant pour l’occasion qu’il avait coaché une 20aine de matchs aux Spurs où il s’est fait virer pour avoir réclamé un meneur d’expérience (de mémoire, il a perdu Rod Strickland pour récupérer Avery Johnson qui n’était alors qu’un journey man).
      Après, comme tu le rappelles; Tarkanian, c’est surtout cette équipe énorme d’UNLV championne en 1990

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