Kobe Bryant – Le Black Mamba (Part 3)

KOBE SYMBOLE DE L’EXIGENCE

Plus encore que le basketteur, Kobe Bryant s’est forgé une légende. Celle d’un personnage hors du commun, qui travaille sans relâche pour atteindre un idéal perfectionniste. Cette exigence, il l’a appliqué à son éthique de travail irréprochable. Nous en avions déjà parlé et cette fois, c’est le témoignage de Tim Grover, l’entraineur personnel de Michael Jordan, qui vient parfaire les témoignages déjà nombreux sur le jusqu’au-boutisme du Black Mamba avec une tribune sur Yahoo!Sports.

Il raconte en effet sa rencontre avec ce jeune homme.:

J’ai commencé à travailler avec Kobe après que Michael Jordan ait reçu un coup de téléphone de sa part pour des conseils. Ses genoux lui faisaient atrocement mal et il ne savait pas s’il pouvait continuer à tenir le rythme vu le programme intensif qu’il s’infligeait à longueur d’année. On me demande comparer MJ et KB à chaque fois, ils ont un point commun: ils prendront tout ce qu’il y a à savoir de votre part, et si vous ne suivez pas leur cadence, ils n’hésiteront pas à vous rendre misérable.


Kobe voulait comprendre tout ce que nous faisions, pourquoi on le faisait, et comment ça marche. Certains jours, nous allions deux fois au gymnase puis une fois encore le soir pour du conditionnement, ou simplement un fait de jeu qui le tracasse. Mon téléphone pouvait sonner à 3 heures du matin pour ce genre de chose. Vous ne pouvez pas comprendre le niveau d’intensité, de férocité et cette insatiable envie de gagner qui l’habitait. Le jour de la draft, quand les jeunots allaient serrer la main du Commish, Kobe est allé trouver un gymnase pour tirer ses 1000 jumpers.


Ce n’est pas une surprise qu’il soit le seul joueur restant de sa classe de draft encore en activité à ce jour. Il attendait de la part de ses coéquipiers, du staff, des entraineurs, de ses associés en business et même de ses amis, le même engagement total. Il n’accepterait pas leur incompétence, il viendrait vous dire: « si je peux le faire, pourquoi pas toi? » Quand les gens célébraient autour de lui une victoire dans une saison de perdition ou un beau tir, sa réponse ne variait pas: « On n’a rien gagné. Tu n’as rien fait. Bosse mieux ».


C’était toujours PLUS avec Kobe. Plus de travail, plus d’effort, plus de victoires. Quand en 2006, il plante ses 81pts, , tout le monde voit sa prouesse, lui il voit la barre des 100pts qui lui échappe. J’ai travaillé avec lui jusqu’en 2012 et je pourrais le résumer comme étant l’ultime prédateur. Il ciblait sa proie et à partir de là, son désir le consumait. Il a joué 20 saisons en étant celui qui devait dire les choses.

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Voilà ce qu’était Kobe. Un compétiteur féroce, animé d’une passion tellement brulante qu’il peut détruire le mental de ses adversaires mais aussi de ses coéquipiers, quand ils ne sont pas à la hauteur du challenge. On a cité le cas Smush Parker, mais Bryant n’a pas été un enfant de chœur, même avec les grands du basket. Dans son immaturité, il voyait dans les personnes qui tentaient de le cadrer un obstacle à sa réussite, à son accomplissement personnel. Il a pu dire « je m’en fous » quand on annonçait le premier départ de Phil Jackson, il a pu aller se plaindre à la direction de lui donner plus de ballons qu’au Shaq, il arrivait dans les huddles avec une simple phrase: « donnez moi ce putain de ballon« .

N’ayons pas peur des mots, on passe de l’exigence à la tyrannie. Les joueurs qui ne tenaient pas le choc coulaient, ce fût le cas avec Dwight Howard par exemple.

Kobe: Ça va entre nous. Ma responsabilité envers Dwight était de le faire jouer son meilleur basket, et parfois, il faut savoir dire les choses qui fâchent chez certains gars. En tant que leader, il était de ma responsabilité de le faire, ça n’a rien de personnel. Je devais réussir à tirer le meilleur de mes coéquipiers, même s’ils ne trouvent pas ça très drôle.


Ron Artest: Kobe était furieux, il voulait que les choses changent car la connexion avec Dwight ne fonctionnait pas. Je pense que Dwight l’a pris très personnellement, Kobe est direct, franc. Il vous donne une chance de lui prouver qui vous êtes, ce que vous avez dans les tripes. Vous n’avez pas forcément à être bon statistiquement parlant, il veut voir que vous en voulez, vous devez être un vrai pitbull mais avec intelligence. Et surtout, montrez que vous avez du cœur à l’ouvrage, que vous n’en avez pas rien à foutre. C’est là qu’il y a eu un clash avec Dwight qui voulait tous les ballons.

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Certains ont compris cet état d’esprit. Kevin Durant, fan de Kobe, a confirmé qu’il a essayé de « détruire » Kobe Bryant lors de leur dernière rencontre. Il ne lui a rien laissé passer. Il fallait être compétitif quel qu’en soit le contexte. Brian Scalabrine aka le White Mamba aura une déclaration qui va dans le même sens à propos de cette tournée d’adieu, la trouvant « déplacée », il ne voulait pas voir le côté humain de Bryant s’exprimer, uniquement la bête de basket que l’on a connu depuis 20 ans.

A sa décharge, Kobe a fort heureusement mué dans la bonne direction en terme de leader afin de passer de patron vociférant ses désidératas sans compromission ou désir de compréhension des êtres humains le côtoyant; à joueur concentré sur la victoire, uniquement, quels qu’en soient les moyens. Ces dernières années aux Lakers n’ont pas été brillante de ce point de vu, et lorsque D’Angelo Russell et Julius Randle sourient dans une sixième défaite d’affilée, Kobe est allé les prendre pour leur faire la leçon.

Les médias rapportent qu’il a pris la parole pendant deux minutes après le speech de coach Bryon Scott afin de vider son sac. Il a montré sa réaction au Jimmy Kimmel Show, dans un jeu d’acting qu’il maitrise sur le bout des doigts, son rôle de composition, de méchant (voir à 1’47min):




Un dernier mot de la part de Kobe lui-même sur cet aspect de sa personnalité:

J’ai des standards plus haut que la plupart de mes pairs. Si j’ai une mauvaise soirée au shoot, on entend dire « c’est bon il est cuit, il est dans la tombe » . Personne d’autre dans la ligue ne reçoit de tels commentaires après une seule mauvaise soirée. Les attentes sont grandes, et j’aime que les gens veulent toujours le meilleur de moi. Mon tendon d’Achille, mon genou fracturé, mon épaule. Vingt ans dans cette ligue, à 37 ans. Et on veut de moi que je tourne toujours à 30pts par match. J’adore. Ça me pousse à essayer.


UN JOUEUR QU’ON AIME DÉTESTER

Kobe Bryant illustre à merveille une expression consacrée: qu’on l’adore ou le déteste, il n’aura laisser personne indifférent à son égard. En dépit de son talent, de ses perf’ individuelles, de ses frasques de diva qui ont passablement énervé de nombreux amoureux du basket, même chez les Lakers fan. En tant que personnage public, Kobe Bryant a pu recevoir l’adulation d’un grand nombre – il est actuellement encore le porte-étendard de la NBA en Chine – néanmoins, sa propension à vouloir être le meilleur scoreur, tout le temps, toujours, à aller jusqu’à forcer des tirs ou carrément arrêter de jouer pour bouder, ce sont autant de faits de jeu insupportables.

Ce n’est d’ailleurs pas une surprise de constater que Kobe fait tomber un triste record en 2014: celui du plus grand nombre de tirs manqués. Sa réponse? Laconique:

Je suis un « Shooting Guard » depuis 19 ans en NBA. Je vais répéter, « SHOOTING guard ». Pour être honnête, je me fous de ce record. Quand j’étais jeune, j’ai vu Michael [Jordan] tenter 49 tirs en Finals. Vous imaginez si j’avais ça pour ensuite perdre? Quand tu joues en NBA, tu dois te montrer à la hauteur. Tu ne peux pas te concentrer sur les critiques, tu dois comprendre par toi-même et avec ton équipe comment gagner, tu ne peux rester captif de ta peur de l’échec.

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Phil Jackson était plutôt critique à l’endroit de son joueur sur cet aspect de son jeu:

Kobe avait tendance à forcer les actions, surtout quand la rencontre n’allait pas dans sa direction. Quand son adresse était en berne, Kobe pilonnait inlassablement la cible jusqu’à ce que la chance tourne.

Il avait aussi réussi à faire la moue et lâcher des matchs. Dans un Game 7 de 2006 contre les Suns, il ne prend que 3 tirs en seconde mi-temps. Inconcevable de sa part. Il avait déjà fait le coup un an auparavant contre les Kings et sur un match ou deux quand les choses étaient tendues avec la direction, histoire de leur montrer, très très égoïstement, que sans lui, l’équipe ne pouvait rien. C’est exactement le type d’attitudes qui ont fait de lui un joueur mésestimer par certains. Il s’est depuis racheté une conduite: des titres, des records, et surtout un véritable rôle de leader.

Je ne veux pas être le prochain Michael Jordan, je veux juste être Kobe Bryant.

Néanmoins, sa quête de rattraper Michael Jordan – et de le dépasser – a possiblement été son meilleur ennemi. Beaucoup ne voyaient en lui qu’un simili-Jordan, essayant de copier ses moves (fadeaway jumpshot en ligne de fond, feintes, mimiques faciales etc…) et c’est vrai qu’il a piqué de l’esthétisme de sa majesté. Il était néanmoins plus véloce, plus souple (d’où le surnom, Black Mamba).

On lui reprochera de ne pas être aussi efficace que Jordan, pas assez important au sein de l’effectif, de ne pas du tout mériter sa réputation de défenseur (11 sélection en All-défensive team de 2000-2014) etc. Des propos qui se voyaient de temps à autre par la statistique (les shoots manqués par exemple). En réalité, oui, il n’était pas Michael Jordan et son jeu n’était probablement pas aussi efficient mais cela enlève-t-il quelque chose à sa carrière historique? Son palmarès parle pour lui, son dernier match parle pour lui, son évolution aussi fascinante en terme de leadership parle pour lui.

On sent en fait, que ce qu’aiment les gens qui le détestent, c’est bien lui. Kobe Bryant. Un fan des Celtics lui a voué une tribune intitulée: « Dear Kobe, I Hate You » (Cher Kobe, je te déteste), morceaux choisis:

Je t’ai toujours mis dans le même sac que Derek Jeters. Vous êtes des joueurs que nous, fans des Celtics, détestons viscéralement mais, en même temps, que l’on ne peut s’empêcher de respecter. Tu as joué au basket de la bonne façon: avec passion, fierté et professionnalisme. Tu travaillais plus que les autres, et tu es logiquement devenu une icône générationnelle de ton sport. Tu as embrassé tous les challenges, tu as tout donné, tu savais ce que cela coûtait de gagner.


Maintenant que tu pars, la rivalité avec les Lakers disparait à nouveau. J’espère qu’à ton dernier match, la foule te fera passer un match en enfer, tu seras hué encore plus que lors des Finals, j’espère que tu manques tous tes lancers et que tu n’oublies jamais ces 17.000 fans hurlant contre toi pour te voir échouer.


On dit que tu ne sais jamais la valeur de la chose que tu as avant de la perdre. Pour une génération entière de fans NBA, tu ES le basket. Je ne peux croire ce que je vais dire mais…tu vas me manquer.


Amour (et haine) pour toujours

La relation amour-haine est véritablement ce qui caractérise ce joueur. Pour les moins engoncés, trolleurs et autres haters, ce fait est limpide.


UN MODÈLE GÉNÉRATIONNEL

Contrairement aux plus grandes stars qui ont défilé dans leur mise à la retraite ces dernières années, Kobe a ce fait singulier qu’il aura marqué en tant que « role model » toute une génération de nouveaux joueurs. Son talent, ses succès, ont joué en sa faveur, mais également le marketing de la NBA et des Lakers. Les sponsoring de Bryant sont légions, il est devenu l’ambassadeur du basket dans le monde et le symbole de l’insolente réussite d’un individu dans un sport collectif avant tout.

6929120Les témoignages des plus jeunes comme de ses pairs sont là pour corroborer ce constat. Kevin Durant, admirateur devant l’éternel de Kobe, raconte son premier camp Team USA avec la bête:

J’ai appris énormément en le regardant jouer mais cela m’a pris beaucoup de temps de comprendre pourquoi il était comme ça. On échange énormément, cependant, c’est en le voyant se préparer pour les J.O que j’ai tout compris. Je me rappelle l’y avoir côtoyé après ma saison rookie dans la ligue, à un entrainement à Vegas. C’était un jour de repos mais moi et Jeff Green on se préparait pour un entrainement, et il est rentré dans le même bus que le notre.


Au gymnase, on s’est entrainé d’un côté, lui de l’autre, il a pris/converti 50 tirs à chaque spot de la ligne à 3pts (7), et ça prend énormément de temps d’y arriver. On l’a regardé et on s’est dit: c’est le meilleur joueur de la ligue, pourtant il prend un bus pour s’entrainer dans un gymnase universitaire. Il est de la vieille école et c’est exactement comme ça que je veux être

C’est ensuite au tour de Steph Curry. Il se rappelle de son année rookie où il a fait face à Kobe dans le money time:

On jouait à l’oracle Arena, ils avaient 3pts de retard et il a réussi à avoir la faute. Je le suis en remontant le terrain et je lui dis: « alors, t’es nerveux à propos de ces lancers? ». Il m’a lancé un regard. Froid. Qui voulait dire: « De quoi tu parles??? Dégage de-là abruti de rookie ». Il a mis les deux lancers et ils ont gagné derrière. Je me souviendrai toujours de ce regard.

Derek Fisher ira jusqu’à écrire une longue lettre pour KB24. Ce respect, Kobe l’a gagné de la part de tous les joueurs l’ayant côtoyé de près ou de loin, preuve en est son dernier match où le Shaq est venu le booster à tenter d’atteindre les 50pts, mais aussi par la présence d’un tas d’ancien lakers (Fisher, Fox, Shaw etc.) venus assister à la dernière du maestro. Cependant, le mot le plus réconfortant à son égard est certainement venu de son idole de jeunesse, Magic Johnson, élogieux:

Il est ce qui se rapproche le plus de Michael Jordan dans l’Histoire de la NBA. Il terminera probablement comme le second meilleur arrière, on ne pouvait pas l’arrêter. Sa volonté de gagner était incroyable, il est resté à l’entrainement plus que quiconque, c’était un joueur qui vivait, respirait et dormait basket. Je suis heureux pour lui, il a décidé de sa fin de lui-même.

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Il est vrai que le public a découvert sur ces dernières années un autre Kobe Bryant. Bien plus porté sur le commentaire, sur l’analyse, n’ayant pas peur des mots, des confessions, bien moins secrets et introverti qu’auparavant. Il se lâche en appréciant chaque ultime hommage, chaque speaker qui prononce avec soin ses succès ornant son palmarès. Il aura véritablement réconcilier sa passion avec l’humain qui l’habite.

On ne peut rêver de tout ça en étant gamin. Tu ne peux pas dire à un gamin de 6 ans qu’il jouera 20 ans à son jeu favori, et que, lors de son départ, chaque ville lui fera une haie d’honneur. C’est surréaliste. Je me sens extrêmement chanceux d’avoir pu connaitre ce sentiment, c’est dingue. J’ai vu passer cinq générations de joueurs, le jeune Devin Booker n’était même pas né quand j’ai joué mon premier match et je joue encore!


J’ai l’opportunité de lui parler, de l’aider, j’ai la chance d’observer la direction que prend la NBA car je connais son histoire. Je suis béni.

Tim Grover aura probablement la meilleure image pour qualifier le tumultueux périple de Bryant: « il est passé d’assassin à ambassadeur du basket » . La mue de ce joueur mythique (oui) reste une splendide histoire sportive, d’un égocentrique admirateur des plus grands, voulant rejoindre le panthéon au plus vite, il a su devenir un patron, un leader, en conciliant son besoin compulsif de réussite, challenge et compétitivité avec la vision naturellement collective du basket. Le « méchant » est devenu le « héros », Durant, Nowitzki, Wade et Rose n’hésiteront pas à l’appeler « leur Jordan » .

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Ecrit par:

N.K

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